De l’interprétation musicale à l’improvisation musicale (1)

14 Mai 2011 | Généralités autour de l'improvisation | 0 commentaires

A propos du relevé de solo

De l’interprétation musicale à l’improvisation musicale (1)

par | 14, Mai 11 | Généralités autour de l'improvisation | 0 commentaires

Bonjour chez vous…

Passer de l’interprétation musicale à l’improvisation musicale est une étape difficile, même pour certains excellents instrumentistes. 

Ils se retrouvent soudain totalement paralysés, à l’idée d’inventer eux même de la musique. C’est que l’improvisation musicale nécessite avant tout un changement de comportement

Les automatismes œil/doigts, liés à la lecture n’ont plus cours ; ce sont l’oreille et l’imagination qui doivent les remplacer. Ainsi, si l’oreille et l’imagination (créatrice) priment dans l’improvisation musicale, il faut développer ces deux domaines fondamentaux.

L’oreille est un organe fondamental qui s’éduque de multiples façons et de façon infinie. Ceci est une telle évidence que l’on oublie l’essentiel : l’oreille permet aussi de sélectionner, trier, la musique que l’on veut improviser. Il faut prendre le temps de chercher et choisir les modèles les plus représentatifs de « l’idéal » auquel on veut parvenir.

L’institution insiste sur le travail de l’oreille analytique (qui est important), c’est la reconnaissance des intervalles.
Certains possèdent l’oreille absolue, vécu comme une espèce de don divin réservé à une élite.

Il faut toutefois accorder du temps à l’oreille critique. Car lorsque l’on débute en improvisation, on n’a souvent pas une idée précise de la musique que l’on désire jouer. C’est en avançant dans la pratique, en la confrontant aux autres, et à l’expérience de la vie, que le projet se précise. On a le désir de chercher et copier ses modèles par le biais de cette oreille critique.

L’oreille critique permet de préciser un projet dans l’improvisation musicale.

C’est choisir la (ou les) musique(s) que l’on aime. C’est aussi s’adresser aux personnes qui travaillent dans la même direction que vous et qui sont fortes dans leur domaine.

Le travail simultané (et indivisible) de l’oreille analytique et de l’oreille critique permet en quelque sorte, « d’entendre des couleurs » dans l’improvisation musicale.
Les couleurs fondamentales, (majeures, mineures, augmentées, diminuées) ont des règles précises de construction que l’on doit savoir analyser. Mais c’est l’oreille critique qui va orienter le choix, la préférence de telle ou telle couleur dans une improvisation.

Le travail de l’interprétation musicale est important, à condition d’en percevoir clairement les objectifs :
– Développement des automatismes œil/doigts liés à la lecture,
– Développement de la technique instrumentale.
Ces objectifs sont tout à fait respectables.
Ils sont aussi quantifiables, c’est concrètement le nombre de morceaux que je suis capable d’interpréter, les progrès que je dois réaliser en lecture de notes ou sur mon instrument techniquement parlant.

 

Mais pour le travail de l’oreille critique et de l’imagination créatrice, le relevé, (ou transcription), est un bon moyen pour parvenir à la vraie improvisation musicale.

carrerachidmanou | Cours d'improvisation musicale en e-learning https://www.improvisation-musicale.fr

Qu’appelle-t-on le relevé ?

Il s’agit de partir du principe suivant :

Si je peux chanter (ou fredonner) de mémoire tel ou tel passage improvisé (ou non) dans un morceau.
Si j’en ai intégré toutes les subtilités de l’accompagnement.
Si je voue un « véritable culte » au morceau ou à l’artiste concerné, alors je peux jouer ce passage.

Nul besoin de support visuel, le travail de l’oreille suffit. On développe autre chose que des automatismes œil/doigts/lecture.
C’est un autre travail qu’il faut bien différencier de l’interprétation d’une partition musicale.
C’est jouer “simplement” ce que l’on entend, en développant progressivement son oreille, sa mémoire auditive et à plus long terme, son imagination créatrice. 

Le relevé est une pratique longue et délicate.
Difficile pour les musiciens qui ont nié ou négligé cet aspect « primaire »,  voire archaïque, de la musique.

On peut aisément faire le parallèle avec l’apprentissage d’une langue étrangère.
On apprend d’abord l’articulation précise des mots, leur sens, leur prononciation, leur “musicalité” en quelque sorte… Pour ensuite être capable d’improviser des phrases verbales, une fois seul dans un pays étranger.

Jacques Siron utilise l’ expression : apprentissage oral de la musique.

Avec le relevé, on écarte volontairement le confort qu’apporte le support papier, il faut se faire violence et renoncer à des années d’habitudes et de réflexes. C’est quelque part une façon de se mettre en danger, ne compter que sur soi.

Jacques Siron

Le travail du relevé développe des capacités fondamentales pour l’improvisateur

Formation de l’oreille par une analyse fine des intervalles. Analyse fine du (ou des) style(s), enrichissement du vocabulaire musical et par extension développement de ses propres idées.

On trouve aisément dans notre entourage, des musiciens qui ne connaissent pas une seule note de musique, mais qui sont capables d’interpréter un morceau à la perfection.
C’est qu’ils ont développé d’autres qualités basées sur l’écoute fine, l’articulation, l’accentuation, la mémoire auditive, l’anticipation, le sens du rythme etc…
Et c’est quelque part rassurant de constater qu’il n’est pas indispensable d’avoir fait 25 années d’études musicales pour interpréter un morceau de musique…

 

Avec mon expérience et un peu de recul dans ce domaine, je dirais que le plus difficile, si on veut entamer un travail efficace de transcription, c’est de bien le choisir.

On pourra vite s’ennuyer et ne pas percevoir l’intérêt de l’exercice s’il est trop facile, autant que l’on pourra se décourager s’il est trop difficile.
Cette première étape du choix est déterminante pour entretenir l’appétit, la motivation, la passion et l’envie.
C’est aussi l’occasion d’enrichir sa culture personnelle dans le choix d’un style précis.

 

Entamer un travail sérieux de relevé ne se fait pas à la légère, il faut aussi en ressentir le besoin.

Beaucoup d’excellents musiciens n’ont jamais relevé une seule note de musique et s’en portent très bien comme ça.
Entamer un travail de relevé, c’est aussi exercer son oreille critique en faisant un travail sur soi même. C’est s’interroger et s’orienter vers une direction musicale, un style, un courant, une mode…
Il s’agit d’un travail personnel assez long, dont on ne perçoit pas tout de suite l’extraordinaire richesse, et le risque est grand de se décourager.

Pour ma part, j’ai commencé sérieusement ce travail de relevé il y a de nombreuses années avec plusieurs phases de doutes, d’abandon et de découragement mais toujours avec l’idée que ce qui bloquait n’était « que » du domaine de la technique instrumentale.

En revanche je me sentais de plus en plus à l’aise avec mon chant intérieur, le rythme, les intervalles et les gammes. Ce qui m’a conduit à reprendre un travail sur les gammes, arpèges, intervalles, modes, chromatisme et autres « tortures intellectuelles » que je vous soumettrai prochainement…

La pratique du relevé est un objectif à long terme qui dépend d’une bonne connaissance des intervalles musicaux.

Si possible, le travail de relevé ne doit pas se limiter à son unique instrument.

Si vous êtes clarinettiste ou trompettiste, ne vous contentez pas de relever que des clarinettistes ou que des trompettistes.

Vous pouvez commencer par relever des chanteurs, c’est un peu plus abordable car il y a moins de variations de hauteur dans la voix et moins de modulations dans les chansons, que sur un instrument (ça dépend bien sûr du chanteur et de la chanson, d’où encore une fois la nécessité de bien choisir).  

Si vous avez quelques notions d’un instrument autre que le vôtre, il est tout aussi intéressant de relever des choses simples, non pas pour devenir un virtuose, mais pour éduquer votre oreille d’une façon différente. Je pense surtout au piano pour des raisons de compréhension harmoniques plus intuitives et plus visuelles….

Je débute parfois un relevé au piano (plus facile d’accès), avant de le transposer et le jouer au saxophone. Cela me permet d’entendre le solo différemment, de retrouver les notes plus facilement (à l’aveugle); en revanche j’ai besoin du saxophone pour retrouver précisément le timbre et surtout l’articulation de l’artiste que je relève.

Mais comme un bon exemple vaut toujours mieux qu’une longue explication, je ne peux conclure cet article sans vous parler d’un artiste exceptionnel : Benoît Sauvé.

Il s’agit d’un flûtiste à bec absolument incroyable sortant des sentiers battus. Au delà de son niveau technique carrément époustouflant, il a acquis un sens du son, de l’articulation et de l’interprétation remarquables. Son sens de l’inventivité dans le domaine de l’improvisation musicale est sidérant.

Pour avoir l’honneur et le privilège de connaître personnellement cet artiste surdoué, je sais qu’il pratique le travail du relevé comme une véritable religion et que pour autant, dans ses propres compositions, il fait preuve d’une réelle personnalité musicale. Vous trouverez de nombreux liens sur YouTube montrant ce qu’il arrive à produire avec son « modeste » instrument et la musicalité qu’il dégage.

Relevé de Michael Brecker

Relevé de John Coltrane

Enjoy & Practice…

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